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La pôchouse de Mémère

Dernière mise à jour : 9 mars 2022



Mémère préparait la pôchouse tous les ans. Pourtant personne dans la famille n’était pêcheur, mais elle tenait ses poissons du Pépère, son époux, qui participait chaque année en basse saison à la vidange des étangs et ramenait de quoi lui permettre de faire ses bocaux.

Devenu responsable dans le village du recrutement des bras volontaires qui allaient tirer les filets et ramener les épuisettes, Pépère m’emmena, autant que je me souvienne, une seule fois avec lui. Partis entre hommes sous le froid piquant du petit matin, chahutés dans les camionnettes sur les chemins de terre jusqu’au lieu du rassemblement, il ne fallait pas qu’ensuite je m’approche trop près à traîner dans les pattes des pôcheurs si je ne voulais pas être houspillé sans ménagement. Dans le pays les étangs ne manquent pas : l’étang Fontaines bien sûr, le plus près du village, l’étang Neuf, l’étang de Saule, l’étang Millot, celui des Tilleuls, des Routes, et en allant vers Gilly, Boncourt ou Villebichot on en trouve autant. Ils n’étaient pas vidés chaque année mais chaque année il y en avait au moins un à vidanger. Il y avait donc de quoi faire.

La vidange de l’étang avait commencé progressivement depuis plusieurs jours et sous contrôle pour que les poissons puissent survivre sans dommage dans moins en moins d’eau. Le jour de la pêche il ne reste qu’un grand trou où les poissons barbotent frénétiquement les uns sur les autres dans un impressionnant grouillement.

Tout le matin les pôcheurs ramènent avec précaution quantité de brochets, tanches, carpes, poissons-chats, qu’ils trient et versent dans les citernes, et chacun repart avec la besace pleine du salaire frétillant distribué par le patron pisciculteur en récompense du service rendu. Et Mémère pouvait alors se mettre à sa pôchouse et ses bocaux.


La pôchouse, que d'aucuns orthographient à tort pauchouse, est un plat populaire et de fête, traditionnel de la cuisine bourguignonne et franc-comtoise. Son existence est ancienne puisqu’on en trouve trace dans certaines archives du XVIème siècle, notamment d’hôpitaux ayant passé commande de pôchouse auprès d’aubergistes. Son origine remonte sans doute à l’époque lointaine du flottage de grumes de bois par des mariniers, ou radeliers, depuis la Franche-Comté sur le Doubs et la Saône, là où les pêcheurs (les pôchoux en patois Bressan) préparaient ce plat du pauvre avec les poissons et le vin local.

La pôchouse est une variété de matelote, cette vaste famille de plats de poissons de différentes espèces mélangées, cuits au vin, rouge ou blanc, ou encore au cidre dans le cas de la matelote normande. Une matelote peut être marinière ou meunière selon que la sauce est obtenue par réduction du court-bouillon au vin blanc ou par liaison au beurre manié du mouillement au vin rouge (dans ce cas elle est dite aussi meurette). Elle peut être normande comme il a été dit, provençale, et le waterzoi des pays du Nord n’est rien d’autre qu’une variante typique et régionale de matelote.


La recette de la pôchouse bourguignonne est immuablement préparée à base d’un mélange de poissons de rivière gras (anguille, tanche, carpe par exemple) et maigres (brochet, perche, sandre par exemple) coupés en morceaux, cuits et mouillés au vin blanc très sec (généralement du Bourgogne aligoté) et servi en sauce (fumet de cuisson réduit ou lié) avec des croûtons frottés à l’ail.

Enfin, il faut savoir que les défenseurs de la pôchouse ont créé la « Confrérie des Chevaliers de la Pôchouse » de Verdun-sur-le-Doubs, laquelle célèbre ce plat traditionnel depuis 1949 lors de ses chapitres annuels d'octobre, et qu'il existe de véritables militants pour relever le défi d'assurer la pérennité de ce plat en danger de sombrer dans l'oubli définitif. Je pense en particulier à François VOISIN, fils de Louis, tous deux anciennement chefs au Cheval Blanc à Gergy.


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